The Aberystwyth mysteries, Malcolm Pryce

 

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Premier épisode

Aberystwyth mon amour

Aberystwyth_mon_amour___Malcolm_PryceA Aberystwyth vit un privé aux semelles de crêpe, Louie Knight, faux chevalier errant. Ceux qui viennent s’asseoir dans le fauteuil du client sont pleins de doutes et de questions: routine. Jusqu’au jourMyfanwy, la sublissime célébrissime chanteuse du Moulin, se pose sur le fameux fauteuil, et l’engage pour retrouver son cousin – moitié collégien, moitié voyou, qui ne manque pas à grand monde. Et il se trouve qu’il n’est pas le seul ado à avoir disparu. Ca commence à sentir le roussi

La pègre des druides a troqué le gui et les chaudrons contre des flingues et des costards taillés sur mesure à Swansea. Le plus éminent d’entre eux, Lovespoon, rêve au projet fou d’une nouvelle Arche pour aller reconquérir une terre mythique submergée. Le désastre patagonien ne se laisse pas oublier, et si la plupart des vétérans de cette guerre sordide végètent dans les bas-fonds, d’autres ont des projets à faire froid dans le dos. Hors, un môme génial à peine sorti de l’enfance est bien décidé à les aider, dans un but qu’il est seul à connaître…

Entre deux glaces dégustées au stand de l’inimitable Sospan, artiste et théoricien du cornetto, Louie Knight arpente la ville et les environs à s’en user les semelles (de crêpe, l’avaisje déjà dit?), bientôt aidé par la jeune, futée et talentueuse Calamity. Et s’il rencontre pas mal de voyous, il fait aussi la connaissance de charmantes dames qui ne manquent pas de ressources.

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Deuxième épisode

Last tango in Aberystwyth

Last_tango_in_Aberystwyth___Malcolm_PryceMyfanwy est partie chanter en Amérique du Sud avec l’infâme et pitoyable Brainbocs. Calamity s’est fait sa place au bureau. Le fantôme de Bianca hante la Jetée. Les méchants du premier épisode croupissent tous (ou presque) dans des quartiers de haute sécurité. Tout pourrait être calme dans Aberystwyth-la-glauque. Les truands y continueraient paisiblement leurs truandages. Les filles de la campagne y chercheraient naïvement célébrité et fortune dans les films pornos locaux. Les notables y donneraient, dans la plus grande discrétion, des fêtes brillantes. Oui, ça pourrait.

Mais quand le sang d’un digne professeur, vaguement homme de religion, se met à littéralement bouillir pour l’évasive Judy Juice; et quand l’une de ses élèves lance Louie Knight à la recherche du professeur; eh bien, cela remue la boue du port et fait remonter à la surface ce qui y était enfoui. Et le passé, qui ne se laisse jamais oublier, ramène son lot de cadavres, de traumatismes et de secrets coupables.

Pourtant chacun, au fond, ne cherche qu’à démêler les fils inextricablement tricotés de ses histoires d’amour. Même si cela se solde par un nombre de morts impresssionant.

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Troisième épisode

The umbearable lightness of being in Aberystwyth

The_unbearable_lightness_of_being_in_Aberystwyth___Malcolm_PryceMyfanwy, à peine revenue, s’est assoupie comme Blanche-Neige dans son cercueil de verre, et il semble que rien ne puisse la réveiller. On chuchote dans les rues d’Aberystwyth que c’est à cause du filtre d’amour de Brainbocs, mais Louie Knight a mieux à faire que de démentir ces stupides rumeurs. Par exemple, emmener son amour au bord de la mer. Déguster une glace droguée. S’endormir pendant que la belle absente se fait enlever.

Est-ce que toute cette affaire a un rapport avec le joueur d’orgue de Barbarie qui veut éclaircir un mystère vieux de plus d’un siècle? Avec la disparition du Mr Bojangles, le singe qui n’est pas allé dans l’espace, mais à l’Université de Timbuktu? Avec la Patagonie, une fois de plus? Avec Brainbocs, pour changer?

Malcolm Pryce repart sur ses obsessions bien connues: la valise mystérieuse, le savant fou, les séquelles de la guerre. Les marginaux, les femmes fatales, le rhum. Et écrit, sans se répéter, le plus mélancolique roman de la série.

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Quatrième épisode

Don’t cry for me Aberystwyth

Quelques jours avant Noël, le père N. est salement assassiné dans une ruelle, à la grande horreur des habitants d’Aberystwyth que pourtant rien ne devrait étonner, depuis le temps. Calamity, dopée par son admiration pour l’agenge Pinkerton et leurs très scientifiques méthodes, découvre des indices menant à la petite-fille du Sundance Kid. Et Louie Knight a fort à faire, entre la floppée de vieux espions qui fond sur la ville, l’infirmière relativement psychopathe de Myfanwy qui s’est amourachée de lui, et le départ de Calamity partie, entre-temps, voler de ses propres ailes.

La solution du mystère, qui passe, comme d’habitude, par les incontournables figures de Mrs Llantrisant et Harod Jenkins, est enfouie dans le plus sombre secret de la guerre de Patagonie. Et elle ne fait pas rêver dans les chaumières.

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Malcolm Pryce calque, sur la paisible et photogénique ville d’Aberystwyth, un territoire très noir et joyeusement uchronique. Un privé têtu et droit y explore les bas-fonds tenus par les druides en costard, hantés par les vétérans d’une guerre traumatisante et reniée, épicés par des femmes forcément fatales, vêtues du traditionnel chapeau gallois en tuyaude-poêle et de pas grand chose d’autre. Et tout au fond du port, les poissons picorent des cadavres aux pieds fermement plantés dans le béton.

Ce n’est pas clairement une uchronie, ni même vraiment un monde parallèle. Ce sont les archétypes du hard-boiled transposés au pays de Galles. Mais Aberystwyth a beau jouer à la grande, elle ne peut totalement perdre sa rusticité galloise. Et cela donne un décalage tragicomique d’une rare originalité. Et aussi, et c’est à mon sens l’une des grandes réussites de la série, quelques passages réellement émouvants. 

Les Méchants Gallois, quoique très méchants, très résolus, parfaitement armés, et absolument indestructibles, ont aussi le grain de fantaisie que l’on trouve chez les « pires ennemis » de pacotille: Moriarty destiné, malgré tout son génie, à perdre contre Sherlock Holmes; ou les savants fous condamnés, malgré toute leur science, à succomber au flegme d’Adèle Banc-Sec. Bref, ils ne sont pas crédibles en tant que Grands Méchants. Mais, et c’estleur délicieux avantage, ils ont une humanité si improbable, si loufoque, qu’il est impossible de ne pas s’y attacher, d’une façon ou d’une autre. On n’a pas envie de les voir gagner. Mais on n’a pas vraiment envie de les voir perdre, non plus. Juste pour avoir le bonheur de les retrouver, de découvrir leurs plans grostesques et mégalomanes, et leurs nouvelles identités d’emprunt. Avec une mention spéciale, toute de même, pour l’inoxydable Mrs Llantrisant, au parcours si atypique, et le tragiquement génial Brainbocs, qui donne à Malcolm Pryce l’occasion d’écrire quelques superbes pages sur la solitude et le désespoir des monstres humains. 

Quant aux Gentilsil n’y en a pas. Des vrais, des propres sur eux, des garantis sans ogm, non. En tous cas, pas au regard de la Loi – à l’exception peut-être d’Eeyore, le père de Louie Knight, ancien flic reconverti dans les promenades à dos d’âne pour les touristes

Louie Knight, le héros, n’est pas un dur, et ne s’en donne même pas l’air. Il fait volontiers le malin, surtout quand ce n’est pas très indiqué et qu’il ferait mieux de se taire, mais c’est un vrai coeur d’artichautet il ne s’en cache certainement pas. Par contre, équipé d’une batte de base-ball, il a un swing meurtrier. De même la jeune Calamity, maligne et attachante, que l’on voit mûrir au fil de la série sans jamais vraiment perdre ses réflexes de filoute magouilleuse.

Et puis il y a toute une savoureuse galerie de seconds rôles: Myfanwy Montez, l’insaisissable fiancée du héros, dont l’esprit et les chansons imprègnent les pages; Sospan, marchand de glaces, philosophe, et dramatiquement neutre; Llumos le flic compromis par ses amitiés; Cadwaladr, le vétéran renié; Bianca, l’entraineuse augrand coeurPoxcrop, le gamin des rues baratineur aux mille visages…  

En toile de fond, la géographie et l’histoire jouent au jeu des sept erreurs: l’auteur recrée la ville et ses environs avec une exactitude digne d’un peintre flamand, pour mieux les distordre et en faire le décor de son faux polar. Ainsi du terrain de golf de Borth, minutieuse et cruelle parodie des greens amerlocains. Ainsi des mythiques terres englouties au large de la côte. Ainsi du Châteaudont les ruines imposantes dominent la PromenadeAinsi, surtout, de la lointaine ex-colonie de Patagonie, et de la guerre qui y fut livrée par des Gallois embourbés dans leur Vietnam personnel – probablement l’une des meilleures idées du roman. Elément fondateur, pour fictif qu’il soit, de l’histoire galloise contemporaine, Malcolm Pryce fait de cette très sale guerre une pieuvre aux ramifications infinies, que chacun cherche à oublier, fut-ce en réécrivant une Histoire héroïque, pour enfouir les horreurs qui s’y déroulèrent sous une jolie version en plaqué or. Commandos de choc un peu trop nostalgiques. Chiens de combat glorifiés, mythifiés, adulés. Vétérans traumatisés et ostracisés, tenus à distance de la version officielle des faits. La guerre est, comme la ville au fond, l’un des personnages incontournables de cette série.

Alors, on pourrait je suppose reprocher aux romans leurs solutions démesurées, tirées par les cheveux. Ce serait je pense leur faire un mauvais procès. Le but n’est pas de peindre un tableau réaliste, ni même vraisemblable. Le but est de mélanger des hypothèses qui n’ont rien à faire ensemble, et en extraire toute la mélancolique absurdité de la vie.

 

 

 

Quant à la forme, c’est un bonheur. Oh, ce n’est pas bienécrit, au sens académique du terme. Mais c’est pensé, travaillé, porté par une langue pleine de trouvailles, d’échos, de litanies, de jeux de mots, et un vrai sens des formules qui font mouche. Le rythme des phrases sait épouser l’actionavec par exemple de belles digressions un peu brumeuses en périodes de cuiteou lors de promenades en solitaire; et, toujours, des dialogues vifs, drôles, et curieusement crédibles. Bref, c’est impossible à lâcher. 

Toujours est-il que les enquêtes de Louie Knight dans la très noire Aberystwyth, c’est ce qui m’a donné envie de revenir blogguer, de partager à nouveau mes lectures. Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu de romans aussi prenants et aussi originaux – en tous cas, pas de cette façon. J’y suis atachée pour des raisons personnelles et déraisonnables, qui n’ont rien à voir avec leurs qualités intrinsèques et qui n’ont rien à faire dans une note de lecture. Mais, même en tenant compte de ce léger aveuglement, cela reste quand même un de mes gros coups de coeur de cette année.  

 

 

 

 

 

 

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Aberystwyth, mon amour, Malcolm Pryce
Bloomsbury, 2002

Last tango in Aberystwyth, Malcolm Pryce
Bloomsbury, 2004

The unbearable lightness of being in Aberystwyth, Macolm Pryce
Bloomsbury, 2006

Don’t cry for me Aberystwyth, Malcolm Pryce
Bloomsbury, 2007

9 réponses à “The Aberystwyth mysteries, Malcolm Pryce

  1. A fréquenter assidument tes chroniques je vais finir par succomber à la curiosité de lire un roman noir. Rhooo non ^^

    J’aime bien comment tu écrit là dessus en tous les cas ! on sent que tu as aimé les lire… tout comme les nouvelles de l’expo temporaire…

  2. Flute ! j’ai dit roman noir mais je viens de m’apercevoir qu’il est classé bleu. Oo

    Roman bleu… mais je connais pas ça moi !

  3. Oh oui, j’ai vraiment adoré les lire! Et je suis contente que ça se sente, parce que c’est une lecture que j’avais envie de partager.

    Quant à la catégorie dans laquelle je les ai classés, elle est, disons, très personnelle. Les classifications habituelles ne sont pas très satisfaisantes, et après tout, on peut bien changer un peu les règles sur son propre blog!

    Un petit guide?

    Couleurs catégoriques

  4. Ce que tu en dis, Ekwe, donne trop envie de se plonger dans les mystères d’Aberystwyth.

  5. > Stella

    J’avais déjà prévu de tout faire pour t’inciter à les lire. En gros, les apporter la prochaine fois que je monte à Paris…
    Gee.

  6. Tout à fait d’accord avec Stella ! les couvertures sont très pulp, de quand date cette série ?

  7. > Rose

    Les couvertures sont très marrantes. La série a été publiée entre 2001 et 2007, mais pour lui donner un côté « vieux pulps », il y a des pliures, des craquelures et des coins cornés dessinés sur les couvs. Je ne sais pas si on le voit bien sur mes photos.
    Sur le numéro 4, l’illustrateur s’est fait plaisir, et a introduit un peu plus de dérision avec le cornet de glace que tient le privé à la place du plus traditionnel flingue, et sous la neige.

    Si ça te dit, dès que Stella en a fini avec la série, je te les prête? J’aimerais assez les chroniquer dans le Salon, d’ailleurs. Mais bon, le temps que nous les ayons toutes lus, faudrait attendre l’an XII, à peu près.

  8. Avec les petites photos, on dirait vraiment des couv’ de romans oubliés dans un grenier. Mais c’est vrai que la parodie est plus actuelle… Et oui, ça m’intéresse de les lire, un jour ou l’autre !

  9. > Rose

    Je ne sais pas si c’est vraiment une question d’être dans l’air du temps… Je crois plutôt que Malcolm Pryce a eu très envie de (et a très bien su) se réapproprier l’univers des tough guys. Un peu à la façon de Pratchett, finalement – quoique dans un tout autre domaine.

    Sinon, eh ben, je t’inscris sur la liste d’attente!

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