The grifters, Jim Thompson

Un arnaqueur à la petite semaine mais aux dents longues, Roy Dillon, encaisse un sale coup – parce qu’on ne peut toujours gagner. Le voilà à l’hôpital, entouré des trois visages qui bornent son paysage sentimental. Sa mère, Lilly. Sa maîtresse, Moira. Son infirmière, Carole.

Tour à tour arnaqueurs et arnaqués pris à leur propre piège, ils jouent à de drôles de chaises musicales, où l’on ne sait plus trop, au bout d’un moment, s’ils jouent pour l’argent ou pour l’amour. Pour la haine, aussi, peut-être. Les innocents seront sacrifiés – les autres aussi.

Très noir et parfaitement immoral, ce roman est, lui aussi, hanté par le spectre de l’inceste – avec une subtilité que les peu crédibles caricatures de James M. Cain pourraient lui envier. Car Thompson excelle, une fois de plus, au jeu du portrait ambigu: Lilly Dillon, glaciale et torturée, odieuse et attachante, est un grand personnage de roman noir.

The grifters n’est pas, à mon sens, le meilleur roman de Jim Thompson. L’action est un peu trop sacrifiée à la psychologie pour cela. N’empêche, il fait partie de ses romans à lire, absolument.

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The grifters, Jim Thompson
Orion, 2005
copyright 1963 by  Jim Thompson

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Un peu plus loin dans les brindilles du nid, Sébastien a écrit un billet sur l’adaptation ciné par Stephen Frears.

4 réponses à “The grifters, Jim Thompson

  1. En cherchant le titre en français (oui je le sens pas la lecture VO, je lâche trop vite prise) j’ai découvert que « les Arnaqueurs » a été porté au cinéma par Stephen Fraers (dont j’ai adoré les Liaisons Dangereuses).
    Je cherchais justement un duo livre suivi d’un film à me mettre sous la dent… Ca pourrait être celui là. Ca me paraît une bonne introduction au roman noir (plus que celui de Cain en tout cas). Si j’arrive à me faire ça rapidement (oui faut pas laisser trop moisir ses envies) je complèterai avec un billet sur le film (qui viendra faire écho à ta lecture).

  2. > Sébastien

    En général, je n’aime pas les adaptations. J’ai trop de mal à me détacher du roman, je me sens trahie. C’est une règle qui, comme de juste, souffre quelques exceptions.
    Et si j’avais moi aussi aimé le film de Frears « Les liaisons dangereuses », c’était vraiment très indépendamment du livre – et peut-être parce qu’il est beaucoup plus romantique, ce qui a touché mon âme de midinette. Mais z’enfin, oser adapter le plus beau roman épistolaire de tous les temps au cinéma: faut-il être présomptueux!

    Par contre, je lirai plus que volontiers tes chroniques comparées sur « The grifters ».
    Sur « Le grand sommeil » aussi, d’ailleurs…
    ^^

  3. stellasabbat

    Je n’ai pas encore lu les Arnaqueurs qui se trouve dans ma bibliothèque depuis plusieurs mois, entre Des cliques et des cloaques et 1275 âmes, du grand Jim Thompson, précisément parce que j’avais vu le film de Frears peu de temps avant de tomber chez un bouquiniste sur le livre de Thompson. Et parce que je voulais laisser passer un peu de temps entre le film et le livre.
    J’ai aimé le film et je suis sûre, puisque c’est Thompson et pour ce que tu en dis, Ekwe, d’aimer au moins autant (probablement plus) le livre, qui est sans doute plus sombre que le film de Frears. Mais, je te rassure Ekwe, le film est lui aussi parfaitement immoral et aussi carrément amoral et Lilly Dillon, incarnée par Angelica Huston, est un grand personnage de films noirs et certainement pas une victime ou un faire valoir.

    Ekwe,
    Frears ne fut pas le seul à se montrer présomptueux et à adapter les Liaisons dangereuses. Milos Forman lui aussi, dans une version, me semble-t-il, encore moins fidèle au roman. Mais c’est aussi le principe même des adaptations : transcrire pour un autre media sans trahir ; et je ne suis pas certaine que je prendrais plaisir à regarder une adaptation qui serait un simple décalque du livre ; je ne suis d’ailleurs pas sûre que ce soit possible. Ce qui ne m’empêche pas d’hurler à la trahison quand un des livres de « ma » bibliothèque idéale est adapté. En fait, ce que je fais c’est que je ne regarde pas l’adaptation. Règle qui vole en éclat si celui qui adapte et qui filme fait partie de « mes » réalisateurs vénérés. Règle qui ne s’applique pas non plus à la fabuleuse adaptation de A room with a view par Ivory. D’ailleurs A room with a view – le livre de Forster et le film d’Ivory – ne résiste à aucune règle : chaque relecture du livre me donne accès à de nouvelles découvertes quand je vois le film et inversement. Au point que la rencontre entre les deux – le livre et le film, l’auteur et le scénariste/réalisateur – doit relever d’une forme de magie.

    Sébastien,
    Commencer les romans noirs avec un Thompson, c’est un très très bon départ. Si tu ne trouves pas les Arnaqueurs (qui n’est absolument pas introuvable) je te conseilles 1275 âmes, une pure merveille de noirceur et d’humanité. 1275 âmes qui a fait lui aussi l’objet d’une adaptation, par le plus humain des réalisateurs, celui que je vénère entre tous, le grand Bertrand Tavernier. On est donc typiquement ici dans le cas de non application de ma règle « je ne regarde pas l’adaptation d’un livre adoré ».

  4. > Stella

    Mes réserves quant au film de Frears portent surtout sur la subtilité de l’adaptation. Sinon, d’accord avec toi sur le fait que, quand on regarde une adaptation, il faut savoir jouer le jeu – du coup, en général, j’ai les mêmes règles rigides et les mêmes exceptions délirantes d’enthousiasme que toi.

    Pour en revenir à « The grifters »: immoral? amoral? C’est une question que je me pose très souvent à propos des romans noirs. Une question que j’ai du mal à trancher, en général. Et c’est en principe le signe que l’on s’aventure dans des eaux vraiment noires. Vraiment grises, diraient les anglophones.
    Ici, je me suis finalement décidée pour immoral: parce que les héros sont dans la transgression, douloureuse, assumée ou pas, des règles sociales couramment admises, plutôt que dans la logique de leurs propres règles. Mais si l’on considère leur nature d’arnaqueurs pathologiques, on doit pouvoir glisser dans le domaine de l’amoral, je suppose.

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